FESTIVAL DE RUE DE RAMONVILLE : À bout, mais debout !
Ramonville | du 12 au 14 sept. (préambules à Bagatelle et Labège les 10 et 11) | Grat. à 12 € | festivalramonville-arto.fr
Édifiante la page de programmation du festival exposant quatre emplacements vides pour les quatre compagnies qui ont dû être déprogrammées à cause de coupes dans le budget. Oui, « encore un » dites-vous. Pierre Boisson, le directeur, nous explique pourquoi l’un des plus importants festival de théâtre de rue de l’hexagone est à la peine.
Version longue de l’article publié dans le Clutch de septembre 2025 (n°133)
| Propos recueillis par Valérie Lassus – Photo : Gagarine is not dead / Maxime Avon
« C’est vrai, cela fait plusieurs années que nous sommes en difficulté et que nous alertons nos partenaires, institutionnels notamment. Paradoxalement, c’est en grande partie une conséquence du public croissant qui fréquente le festival. En effet, il n’y a plus d’adéquation entre le budget dont nous disposons et notre capacité d’accueil, nos moyens techniques, notre possibilité de programmer des compagnies phares. Cette année, notre budget est moins important qu’il y a 10 ans, avec une baisse, modeste, des subventions de la Région et de la DRAC (État) mais une chute de 50 % de l’aide du département, notre partenaire historique le plus important ! Seule la municipalité de Ramonville ne nous lâche pas et augmente son appui, mais celui-ci est modeste à la base et ne peut compenser les baisses de nos gros partenaires.
C’est toute la filière qui est tirée vers le bas
D’un autre côté, depuis une quinzaine d’années que les pouvoirs publics nous incitent à développer nos recettes propres (dons, buvettes, spectacles payants _ qui dépendent de la météo !) et à mutualiser les coûts, nous atteignons une limite. Car nombreuses sont les structures et associations dans la même situation que nous. L’entraide même devient problématique. Nous sommes donc contraints à réduire l’accueil, en programmant moins de spectacles (16 au lieu de 20/22), en privilégiant les solos… Tout cela va à l’encontre de l’essence du festival qui est de montrer ce qui se fait aujourd’hui et ainsi de soutenir la création. C’est un cercle vicieux car les artistes ont tendance du coup à réduire la voilure et c’est toute la filière qui est tirée vers le bas.
Nous avons quand même réussi à élaborer un équilibre entre les formats et les disciplines, à programmer des spectacles intelligents qui savent parler à tous et rester intéressants artistiquement. Il y a bien sûr des prises de risque, surtout quand ce sont des créations, avec les spectacles que je qualifierais de « gratte-poil ». Ceux-là remettent en cause un discours ambiant, mettent en scène un personnage controversé… Le comédien de la compagnie Amaranta campe par exemple dans Molière un conférencier parfaitement imbuvable ! Mais le gros de l’affiche de cette 38e édition privilégie l’humour et l’absurde, bien représentés par Jours de la compagnie Kiroul, ou Fred Blin, un clown nouvelle génération excellent sur le registre du ratage. Et puis, cette année nous avons un temps fort, une Cérémonie de clôture collective provisoire (CCCP), co-écrit par plusieurs artistes pour Ramonville, dans l’idée de changer le rapport festival/spectateurs. Là, nous sommes dans l’incertitude, mais c’est une donnée incontournable du spectacle de rue ! ».