PATTIE
ET LA COLERE DE POSEÏDON :
les storyboards de Benjamin Lagard
[RENCONTRE] La Mêlée | jeu. 2 fév. | 19h | grat. | CafeCrea – Insta Benjamin Lagard
Le prochain Café Créa, rassemblement gratuit initié par le célèbre artiste Sylvain Sarrailh, invite Benjamin Lagard, storyboarder chez TAT (se prononce en toutes lettres) pour parler de son travail et parcours. Un moment convivial se terminant par un apéro participatif. Impatients, nous avons rencontré cet artiste très doux, humble et scout unioniste à ses heures, pour qu’il nous tease son intervention et parle un peu de son dernier projet Pattie et la Colère de Poséidon, tout juste sorti en salles, et du prochain : le très attendu Astérix par Alain Chabat.
| Propos recueillis par Adrien Pateau –
Photos : Pattie & La colère de Poséïdon – Tat Prod, Apollo Films | Benjamin Lagard – Droits réservés
Salut Benjamin, merci de m’accorder de ton temps !
Peux-tu te présenter toi, et ton parcours, à nos lecteurs ?
J’ai 36 ans, je suis le papa d’un petit garçon né y a 7 mois (je suis un peu fatigué) et je viens de Montauban. Je n’ai pas baigné dans le milieu artistique, mon père est agriculteur et ma mère prof d’histoire. J’ai fait l’ECV de Bordeaux, je pensais devenir communicant mais l’école m’a orienté vers l’animation 3D. Et je ne regrette pas ! Par la suite j’ai travaillé à Asobo (un studio de jeu vidéo ndlr) et j’ai commencé le compositing, une méthode de création d’image. Un temps à Angoulême, j’ai travaillé de studios en studios. Mais pas en tant que storyboarder.
Pourquoi ?
J’ai toujours pensé que ce métier n’était pas accessible aux débutants. J’avais vu un making of d’un film Disney, et c’était un vieux monsieur plein d’expérience et de sagesse. L’image est restée. Mais, un jour, un studio – qui n’avait pas besoin de mes compétences – a vu mes dessins et m’a fait passer un test pour devenir storyboarder… Sans le savoir, ils m’auditionnaient pour le métier de mes rêves ! J’ai débuté ainsi. Maintenant je suis chez TAT depuis 10 ans.
Comment expliquerais-tu le métier de storyboarder ?
Hmm… Quand nous lisons un livre, nous visualisons les images dans notre tête. Mon rôle, c’est d’imaginer à quoi le dessin animé peut correspondre à la lecture du scénario. Je fais des croquis rapides avec les positions des personnages et les mouvements de caméra. C’est une étape d’écriture de films. Le storyboard change plein de choses à l’histoire : l’écriture doit être visuelle. Certaines images sont plus fortes que des dialogues ! Je travaille en collaboration avec le réalisateur. J’ai besoin de connaître ses intentions pour les séquences, les intentions à véhiculer… D’habitude nous sommes 6-8 personnes sur un projet. C’est un travail colossal !
Il paraît que vous avez bossé sur un gros projet local qu’on peut retrouver dans tous les bons cinés…
Oui, c’est vrai que Pattie et la colère de Poséidon vient de sortir ! J’étais au storyboard et j’ai même pu me faire un peu d’animation 2D. C’était quelques secondes mais ça m’a pris beaucoup de temps… TAT me fait confiance pour me former et tester des choses. Le film en lui-même est vraiment chouette à voir en famille ! Il y a une double lecture, pour les enfants et pour les parents. C’est une belle histoire dans un cadre antique avec une héroïne courageuse et réfléchie qui montre de jolies valeurs. Je suis sincèrement content que ce style de long métrage existe dans le paysage de l’animation française. C’est un bon modèle pour les plus jeunes, j’ai hâte de le montrer à mon fils !
Quels sont tes prochains projets ?
Le film Astérix arrive ! Et il y a la suite du film Les As de la jungle, j’y fais un peu d’animation 2D et du storyboard. J’ai peu de temps pour les projets persos. C’est important d’avoir ses propres créations pour que l’entreprise n’étouffe pas toute nos velléités artistiques. Il faudrait que je poste davantage sur Instagram…
En parlant d’Astérix, ça fait quoi d’écrire avec Alain Chabat ?
C’est génial ! J’étais un peu intimidé mais il est adorable, il valorise toujours le travail des gens et sait mettre à l’aise. Il a plein de références et il bouillonne d’idées ! Mais tout se fait en visio parce qu’il est sur tellement de projets à la fois.. Nous en sommes à l’étape du storyboard et des premières prévisualisations 3D. Je suis le seul storyboarder de TAT sur le projet, les autres sont à Paris. C’est enrichissant de travailler avec Netflix, il y a certes davantage de validations, mais aussi un œil plus critique.
Est-ce dans la même veine qu’Astérix et Cléopâtre ?
Ça sera moins décalé ! Ça reste très Chabat dans le style mais plus fidèle à la bande dessinée d’origine (Le Combat des Chefs, 1966 ndlr). Le film s’écarte un peu du livre, mais se veut proche de la nature d’Astérix et de l’intention des auteurs. Les Gaulois étaient un contexte qui permettait de rire de sujets modernes, comme la parentalité, la place de la femme dans la société, le tragique… Nous voulons respecter leur vision et y rendre hommage. Uderzo et Goscinny ont toujours participé à la créations de dessins animés, ils avaient la volonté de faire vivre leur œuvre, et nous espérons y contribuer.
De quoi vas-tu nous parler au Café Créa ?
C’est un point de rendez-vous pour les créateurs, accomplis ou en devenir dans une ambiance bienveillante. Alors j’aimerais bien parler de mon parcours professionnel, si ça peut aider certains ou amener à des discussions constructives. Je ferai une présentation et je parlerai de mon processus de travail… J’ai repéré 26 points à retenir pour bien travailler dans ce métier, je dois souvent me les rappeler dans mon quotidien, ce sera l’occasion d’humblement partager mon expérience !
Du genre ?
Je trouve intéressant de chercher son inspiration dans ce qu’on a vécu nous mêmes. Par exemple, j’ai dû faire un chevalier qui rapportait une coupe. J’ai repensé à ce jour, dans mon enfance, où j’ai remporté une course à pied. D’un coup, tout le monde me remarquait. Pour moi, ce n’était pas la coupe qui était importante mais le regard des gens. Donc, pour le chevalier, j’ai axé ma mise en scène sur le regard d’autrui. Tout le monde dit qu’il faut s’inspirer des livres, des films, certes, mais il ne faut pas se contenter de tout ça ! Il faut s’enrichir de nos expériences du quotidien, il y a toujours des choses incroyables à observer. Les histoires nous parlent d’autant plus quand on sent qu’elles ont été vécues. Or, dans mon métier il faut sans cesse se rappeler de ce qui est narratif. On ne filme pas un dialogue, ça a peu d’impact, le mieux c’est de filmer les réactions des paroles !
C’est des astuces de vieux sages ça… D’ailleurs, tu vas profiter de l’occasion
pour faire découvrir ton métier aux plus jeunes !
Oui, je pense qu’il y a plein d’opportunités dans le dessin animé. Même à Toulouse. Il faut travailler, certes, mais j’ai presque envie de dire d’aller au bout de ses rêves. Je veux conseiller aux jeunes artistes de beaucoup dessiner. Le travail perso c’est la clé, bien plus que le diplôme. Il faut beaucoup pratiquer, comme un musicien voulant maîtriser son instrument. Je me vois comme un artisan. Il faut créer, multiplier les projets et avoir un book à présenter. Et surtout, il faut se dire que tous les gens forts, au début, ne l’étaient pas !
Plus jeune, je suivais le blog d’un gars de Dreamworks. Je copiais son travail pour devenir aussi bon. Et maintenant, c’est mon chef storyboarder ! Je n’aurais jamais crû possible de bosser avec quelqu’un dont j’admire le travail. D’ailleurs, ça recrute chez TAT. Nous étions une trentaine à mon arrivée et maintenant nous sommes presque 200. Ce sont des postes par mission et la boîte fait de son mieux pour offrir un environnement agréable et humain. Toulouse offre un bon cadre de vie, Paris n’est pas une fatalité, il faut que les étudiant(e)s d’ici osent se lancer !
Storyboards & concept arts : les arts cachés du cinéma et du jeu vidéo
Outre le storyboarder Benjamin Lagard, Clutch a plusieurs fois eu l’occasion de mettre en lumière les métiers de l’ombre du cinéma et du jeu vidéo. A (re)découvrir :
Sylvain Sarrailh : Portfolio – Revue Collector : édition Retrogaming & edition Conquête spatiale
Gwen Vibancos : Portfolio – Interview Pattie & la Colère de Poséïdon
Jeremy Paillotin : Portfolio – Interview Video