[Conquête spatiale]
TOP 5 des auteurs de SF
incontournables
Du milieu des années 50 à la fin des années 70, la littérature de science-fiction vit son premier âge d’or, accompagnant les découvertes scientifiques ou anticipant l’actualité de la conquête spatiale. De Isaac Asimov à Arthur C. Clarke en passant par Philip K. Dick, ces auteurs ont marqué nos imaginaires au fer rouge. Focus sur cinq styles de romans Sf, autour de cinq écrivains qui ont inspirés l’édition « conquête spatiale & culture pop » de la revue Collector.
| Texte : Baptiste Ostré
| Photo : Fondation – Apple TV
LE SPACE OPERA
ISAAC ASIMOV (1920 – 1992)
Si Isaac Asimov demeure, dans l’inconscient collectif, le père de la robotique, notamment grâce aux célèbres « trois lois » de son cycle des Robots, il a également donné ses lettres de noblesse au space opera. Récemment adapté en série sur AppleTv, avec un résultat assez inégal, Fondation est un monument embrassant la dimension politique du genre. Conçu à l’origine sous forme de nouvelle, le cycle raconte la chute d’un Empire Galactique, 22 000 ans environs après avoir égaré l’emplacement de la Terre (oui, égaré, l’espace c’est grand). L’ambition de l’écrivain était alors de « rédiger un roman historique du futur », pour lequel il développe les principes de la psycho-histoire, science fictive créée par un autre écrivain, Nat Schachner.
Bondissant dans l’espace et le temps entre chaque nouvelle de façon parfois surprenante, Fondation impose Isaac Asimov comme le chaînon manquant entre la space fantasy délirante et la hard sf la plus complexe, non par affinité technique mais davantage pour sa complexité politique. Interrompue puis reprise des années plus tard, l’écriture du cycle de Fondation occupe une grande partie de la vie et la carrière d’Asimov – il lui aurait consacré grosso modo quarante années.
À lire : le cycle de Fondation
À découvrir : le space opera, au-delà de l’infini – revue Collector – culture pop & conquête spatiale
À voir : L’étrange testament du père des robots sur Arte
LA SPACE FANTASY
RAY BRADBURY (1920-2012)
En raison de l’aura acquise par Fahrenheit 451, publié chez nous en 1955, Ray Bradbury est souvent considéré comme un auteur d’anticipation. Indispensable à toute bonne bibliothèque, cette dystopie trône à juste titre au même niveau que le 1984 d’Orwell ou le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Adapté une première fois au cinéma par notre cher François Truffaut en 1966, ce terrible roman cache néanmoins la véritable nature de l’œuvre de Ray Bradbury.
Conteur formidable, spécialiste des allégories et des métaphores, l’auteur des Chroniques Martiennes considérait lui-même plus évoluer dans le domaine de la fantasy que celui de la science-fiction. Bien sûr, on trouve dans ces romans et recueils de nouvelles des voyages spatiaux, des cosmonautes explorant les confins de l’espace ou colonisant des planètes du système solaire. Mais ces univers servent avant tout de prétexte pour glisser vers un imaginaire fantastique. Peu concerné par les questions de réalisme, souvent considéré comme technophobe (il détestait notamment Internet), Ray Bradbury sonde l’âme humaine dans des récits qui réenchantent l’univers.
À lire : Les chroniques martiennes, l’Homme illustré
À voir : Icarus Montgolfier Wright. Un court-métrage d’animation de 1962, adapté d’une nouvelle de Bradbury, nommé à l’époque pour l’Oscar du meilleur court d’animation.
LA HARD SF
ARTHUR C. CLARKE (1917 – 2008)
Arthur C. Clarke est probablement l’auteur le plus emblématique de la course aux étoiles du XXe siècle. On parle tout de même d’une des têtes pensantes de 2001, l’Odyssée de l’espace : à la fois coscénariste du film (avec son réalisateur, Stanley Kubrick) et auteur du roman, écrit en parallèle du tournage. S’il se situait dans un hypothétique futur, 2001 s’appuyait sur une exigence scrupuleuse vis à vis de la vraisemblance scientifique et technique. Cette rigueur, parfois au risque d’une certaine aridité, est caractéristique de ce que l’on nomme la « Hard sf ». Écrivain phare de ce sous-genre, Clarke poursuivra son odyssée spatiale au fil de trois suites (2010, Odyssée deux – adapté au cinéma par Peter Hyams en 1984 ; 2061, Odyssée trois ; 3001, l’Odyssée finale), articulées autour de véritables découvertes scientifiques (concernant principalement Jupiter et ses lunes). Dissipant malheureusement tous les mystères du film de Kubrick, le cycle de l’Odyssée n’en reste pas moins un complexe et passionnant récit sur la place de l’Humanité dans le système solaire.
On peut néanmoins lui préférer sa série Rendez-vous avec Rama, dans laquelle un mystérieux objet, entre la météorite et le vaisseau spatial, arrive de nul part dans le système solaire. Un pitch qui rappelle étrangement l’énigme du « cigare de l’espace » : en 2017, un astéroïde baptisé Oumuamua vient toquer à la porte de notre système solaire. Sa provenance demeure inconnue et sa trajectoire intrigue au point de soulever chez certains la possibilité d’être en présence d’un vaisseau spatial extraterrestre…
À lire : le cycle de Rama
À voir : Pop Théory + : L’odyssée de l’enfance
LE PLANET OPERA
URSULA K. LE GUIN (1929 -2018)
Bien sûr, on aurait pu parler de Dune, mythique chef d’oeuvre de Frank Herbert, peut-être aujourd’hui l’exemple le plus célèbre du planet opera suite au succès de son adaptation par Denis Villeneuve (en attendant une seconde partie en 2024 et une déclinaison en série). Mais comment faire l’impasse sur ce que Ursula le Guin a apporté à cette déclinaison du space opera ? A l’époque déjà autrice de plusieurs romans, elle s’impose définitivement comme une romancière de premier plan avec la publication, en 1969, de La Main Gauche de la Nuit.
Décrivant la vie sur une planète de glace, le livre est le manifeste des thèmes qu’Ursula le Guin explorera par la suite tout au long de sa carrière. Plus proche d’un Bradbury ou d’un Philip K. Dick (avec qui elle entretiendra une correspondance soutenue), elle ne s’intéresse pas tant aux questions techno-scientifiques qu’aux problématiques sociales, voire anthropologiques. C’est peut-être la plus inclassable des auteurs de cette liste, celle qui a le plus brisé les archétypes de la SF pour emmener le genre sur le terrain des sciences sociales.
Dans La Main Gauche de la Nuit, les habitants de Gethen sont ainsi majoritairement androgynes, développant des organes génitaux aléatoires lors de courtes périodes seulement. Une civilisation d’êtres humains ni hommes ni femmes, prélude à une interrogation extrêmement moderne et d’actualité sur le genre et la sexualité.
À lire : La Main gauche de la Nuit ; les Contes de Terremer
À écouter : La Sf aux couleurs d’Ursula Le Guin (La méthode scientifique)
LA SF PARANO
PHILIP K. DICK (1928 – 1982)
On reproche encore régulièrement à Philip K. Dick une écriture bancale et des structures de récit confuses. Rien de plus épuisant à entendre. Bien sûr, le style de Dick a évolué tout au long de sa prolifique production (une quarantaine de romans, près de deux cent nouvelles, et une phénoménale exégèse de près de 8000 pages), son écriture s’est, certes, améliorée au fil de ses histoires. Il n’empêche que Dick a, à nos yeux, toujours été un talentueux styliste, depuis son premier roman Loterie Solaire jusqu’à la Trilogie Divine : il n’y a qu’à voir les incroyables dialogues de Substance Mort, hilarantes et hallucinantes retranscriptions de conversations entre défoncés, chacun glissant petit à petit dans des délires parano.
La confusion que peut engendrer la lecture de Philip K. Dick est justement au diapason de récits hautement paranoïaques, dans lesquels le réel se délite peu à peu sous nos yeux. Grand créateur de mondes parallèles et de réalités alternatives, Dick interroge à la fois les notions de simulacres, notre rapport au monde et l’essence même de la nature humaine.
L’auteur d’Ubik est peut-être l’écrivain le plus « starifié » de cette liste : adopté par le cinéma et la télévision, auxquelles il donnera quelques œuvres matricielles (Blade Runner, Total Recall, Minority Report, A Scanner Darkly…), il est également devenu… un adjectif. On parle ainsi de concept « dickien » pour qualifier des œuvres jouant sur la perception et différents niveaux de rêves/réalités – à l’image d’eXistenZ de David Cronenberg ou d’Inception de Christopher Nolan.
À lire : Ubik, Dr. Bloodmoney, Les clans de la lune Alphane…
À voir : « Si vous pensez que ce monde est mauvais… vous devriez en voir quelques autres« , conférence surréelle et légendaire, donnée par Philip K. Dick à Metz en 1977.
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