[ÉTAT DES LIEUX]
CULTURE ROBOTIQUE,
LE PORTRAIT ROBOT !

Dans la ville de l’aéronautique, la robotique tient aussi une place majeure. Ces machines miroirs aussi fascinantes que redoutées sont déjà là, un peu partout, et même dans la culture.

| Nicolas Mathé

Pour s’intéresser aux robots, il faut, avant toute chose, accepter de naviguer sans cesse entre science-fiction et réalité. Après tout, c’est un écrivain de SF qui est considéré comme le « père de la robotique » : l’auteur Isaac Asimov. Aussi fou que cela puisse paraître, il n’existe pas vraiment de définition unique et arrêtée du robot. Dans l’inconscient collectif, la première chose qui vient à l’esprit est une machine de type androïde, comme dans Star Wars, Terminator ou Robocop. Une vision alimentée très tôt par le cinéma avec des films comme Metropolis (1927) et le robot Maria, basé sur l’ouvrière clandestine du même nom, ou Le Magicien d’Oz (1939), dans lequel l’homme de fer blanc (Tin Man) demande au magicien un cœur. Mais avant d’explorer cet imaginaire fondé sur la relation humain-machine, revenons à des considérations plus terre-à-terre pour aborder l’aspect industriel du sujet. Dans ce domaine, les choses sont un peu plus claires : on considère qu’un robot est une machine alliant électronique, informatique et mécanique, qui doit donc pouvoir être programmable et capable d’effectuer une série d’actions de manière autonome ou semi-autonome.

Depuis 10 ans, à Toulouse, le cluster Robotics Place réunit les entreprises et les laboratoires de recherche de la région Occitanie qui œuvrent dans cet univers. « Nous sommes partis de 10 membres à l’origine pour arriver à plus de 120 aujourd’hui. Le projet est né d’une volonté de partage et d’échange entre les différents acteurs pour mutualiser un certain nombre de choses, faire parler de la robotique, et bien sûr, apporter du business à nos adhérents », explique Philippe Roussel, délégué général de Robotics Place. Parmi ses fonctions, le cluster permet aux entreprises de travailler de manière collaborative pour répondre à des appels d’offre ou se lancer sur des marchés dans lesquels la robotique n’est pas encore très présente. « C’est le cas de la santé, de la logistique ainsi que du bâtiment, un secteur jusqu’à présent assez hostile, mais pour lequel des outils commencent à émerger comme des robots peintres », développe Philippe Roussel.

La robotique est finalement très proche de la magie

Alors que le principal usage de la robotique reste aujourd’hui l’industrie, notamment automobile, ce dernier assure que les possibilités sont immenses. En clair, partout où il y a des tâches pénibles, répétitives, voire dangereuses à effectuer. Un potentiel développement qui touche inévitablement au fantasme de la machine remplaçant l’Homme ainsi qu’aux craintes d’une société déshumanisée. « Il y a eu des expériences de robots dans un restaurant pour servir les plats ou à l’accueil d’une banque qui ont soulevé de très fortes réactions négatives. Évidemment, personne n’a envie de ça. Partout où la robotique a trouvé sa place, ce n’était pas pour augmenter la productivité mais pour le confort des employés. Les robots ne remplacent pas des gens mais des tâches pour lesquelles on ne trouve pas de salariés », assure Philippe Roussel.

LES TOQUÉS DU ROBOT

Pour démocratiser ce sujet qui passionne quoi qu’il arrive, et permettre au plus grand nombre de se faire une idée, il existe à Toulouse, ville par excellence de culture scientifique, de nombreuses initiatives : tournée de la robotique dans les lycées par l’association Science Animation (devenue Instant Science), coupe de France de robotique, pilotée dans la région par Planète Science, stages proposés par le Fablab Artilect, courses de robots sur les allées Jules Guesdes avec Toulouse Robot Race (voir encadré)… Depuis 2015, l’association Caliban Midi organise, elle, des Apérobots, des rencontres mensuelles réunissant aussi bien des « makers » que des curieux pour discuter en toute convivialité de thématiques liées à la robotique. Derrière cette proposition, on retrouve l’incontournable Thomas Peyruse. Ingénieur, à la tête de l’entreprise de domotique Konexinc, ce passionné multiplie par ailleurs les activités pour jeter des ponts entre l’art et la robotique, entourant son travail d’une réflexion philosophique profonde. Tombé amoureux de la scène après ses études d’ingénieur, il a notamment créé le spectacle School of Moon, suite à sa rencontre avec le chorégraphe Eric Minh Cuong Castaing, qui met en scène des enfants et des robots humanoïdes dans une pièce traitant de la post-humanité. « Nous étions trois à piloter les robots en temps réel. Ce qui m’intéresse, c’est de les utiliser comme des marionnettes. J’aime être surpris, qu’il y ait des choses qui m’échappent. Les bugs sont très intéressants, il faut savoir les mettre en valeur », confie l’artiste roboticien qui mène des recherches sur les capacités des robots à imiter le mouvement humain. Le formidable intérêt d’utiliser des robots sur scène, c’est aussi qu’ils ne laissent jamais le public indifférent et provoquent, au contraire, des sentiments extrêmes. « En théorie, c’est plutôt mal accepté, avec cette idée qu’ils vont nous piquer le boulot, et plus le robot ressemble à l’humain, plus il y a du dégoût. Mais d’un autre côté, il y a aussi de l’émerveillement, voir un robot fournir un effort, comme se relever par exemple, cela crée beaucoup d’empathie. La robotique est finalement très proche de la magie, personnellement j’adore laisser planer un mystère », s’amuse Thomas Peyruse.

Même s’il assure limiter ses activités artistiques, ce dernier travaille actuellement sur un nouveau projet (testé pour la première fois lors de la Clutcho du 4 novembre au Quai des Savoirs). Un atelier spectacle intitulé Idio-matic, dont le concept est de mettre en parallèle la robotique et la langue française dans une forme clownesque. Avec l’aide d’un chatbot mu par une intelligence artificielle surpuissante, il a ainsi imaginé une sorte de jeu télé avec différentes épreuves (énigmes, rébus robotique, quiz, génération d’image par IA…) pour laisser l’ambiguïté de la langue française torturer les algorithmes avec humour. Comme dans chacune de ses créations, au delà des robots en eux-mêmes, la robotique est finalement un formidable outil pour mieux parler de l’humain.

OÙ VOIR DES ROBOTS À TOULOUSE ?
Impossible de parler de robotique à Toulouse sans évoquer deux superbes spécimens abrités à la Cité de l’Espace. Depuis cette année, il est en effet possible d’y voir s’animer Perseverance et Zhurong, répliques grandeur nature des deux rovers qui évoluent actuellement sur Mars à la recherche de traces de vie. Autre possibilité, la prochaine Tiny Robot Race, version mini de la Toulouse Robot Race, aura lieu les 18 et 19 novembre au Roselab (roselab.fr).

3 QUESTIONS À… MONSIEUR GRANDIN
Producteur de musique électronique


Ton dernier album est largement traversé par l’univers des robots, d’où vient cette passion ?
C’est quelque chose qui est présent dans mon travail depuis le début, que ce soit dans la musique ou les clips. Ma première rencontre avec les robots, c’est Goldorak, comme toute une génération. Mais la vraie claque, c’est Star Wars, le premier film de SF à se passer entièrement de sons de synthèse grâce au travail incroyable de Ben Burtt. On lui doit tout l’imaginaire sonore contemporain. Le son du sabre laser, par exemple, ça n’existe pas, il l’a inventé à partir de vrais sons. C’est ce dont je m’inspire en collectant en permanence des matières sonores un peu partout, dans les usines notamment, pour créer des musiques qui ont du sens et des albums que j’envisage toujours comme des BO de films qui n’existent pas.

Tu as également en projet un show avec des robots.
Oui c’est un projet collectif, un set avec des robots de 2 à 3 mètres de hauteur qui joueront de la musique. Je ne peux pas en dire trop mais ils seront téléguidés au début, avant de prendre le lead petit à petit. C’est le mythe de Gepetto ou de Frankenstein, le fantasme des robots qui prennent le contrôle. Pour beaucoup de gens, c’est très anxiogène, personnellement, cela ne m’effraie pas du tout, au contraire, c’est très poétique.

Pourquoi les robots fascinent autant ?
Il y a d’une part cette peur, mais aussi le rêve intimement lié à l’enfance. J’ai amené ma fille au concert des Puppetmastaz. Voir des marionnettes faire du rap, c’est complètement magique. Pareil avec les machines de Delarozière ou avec les Daft Punk et leurs casques, cela parle directement aux enfants qui restent en chacun de nous, c’est assez universel.