[DOCUMENTAIRE] | Un pont au-dessus de l’océan | en salle actuellement | unpontaudessusdelocean-lefilm.fr

Quelle est la genèse du projet ?

Depuis les années 90, je connaissais l’histoire de ce groupe d’Amérindiens arrivés en France et accueillis à Montauban en 1829 après une errance de deux ans. J’avais noué des liens d’amitié avec Jean-Claude Drouillet, le fondateur de l’association OK-OC. En 2002, j’ai fait mon premier voyage en Oklahoma, chez les Indiens Osages, qui n’avaient pas encore de nation reconnue par l’État fédéral. C’est là que j’ai rencontré deux des personnages majeurs, à mon avis, pour raconter le début de cette histoire : Lucille Robedeaux qui faisait le constat en 2002 que la langue était en train de s’éteindre. Ils n’étaient plus que 3 locuteurs naturels (des gens qui parlent nativement la langue). En 2005 quand elle-même meurt, l’Unesco considère la langue comme morte. J’avais déjà été interpellé par toutes les ressemblances qu’il pouvait y avoir avec l’Occitan. Est-ce que les langues peuvent mourir ? Oui, elles peuvent mourir, même si une langue n’a rien de biologique, c’est-à-dire qu’il faut des volontés politiques majeures pour qu’elles se maintiennent. Surtout que nous ne parlons pas d’une langue autochtone du fin fond de l’Amazonie, par exemple une des 128 langues du Brésil. Nous parlons d’une langue d’un pays développé : les États-Unis et d’une nation opprimée, les Amérindiens Osages. C’est là qu’intervient le deuxième personnage, puisque Lucille avait déjà tout fait pour garder la mémoire des mots, c’est le chef Jim Gray, élu en 2002, qui va faire des changements majeurs : négocier avec le gouvernement fédéral la mise en place d’une constitution Osage permettant aux citoyens de régler leurs problèmes par eux-mêmes. Constitution soumise au vote des Osages. Et très vite, il va constituer un programme de revitalisation de la langue.

Revitalisation ?

C’est-à-dire qu’il ne touche pas que l’éducation, mais aussi les bâtiments publics et les panneaux par exemple. Et surtout, il va lancer une équipe de linguiste sur la piste d’un alphabet. Parce que quand on a l’alphabet, on peut écrire et quand on peut écrire, il y a des journalistes, des poètes, des écrivains, des cinéastes, des historiens. Ce peuple peut écrire son histoire, son vécu, sa culture, dans sa langue. Chelsea (protagoniste principale du film, amérindienne Osage poétesse qui vient en Occitanie) écrit ses poèmes en langue Osage et les publie tout de suite sur Internet. C’est elle-même une grande combattante. On a d’ailleurs vu récemment la reconnaissance en France d’une des grandes femmes écrivaines amérindiennes, c’est Louise Erdrich qui a reçu le Prix Fémina du roman étranger. Je crois que ça, c’est très important. Ce combat que les Américains ont pour leur langue, c’est majeur. Parce que comment exprimer sa culture si on n’a pas de langue ? Ça paraît impossible. J’ai assisté il y a trois semaines à un cours de langue osage en visio : c’est fascinant, ils sont un groupe d’une dizaine avec un prof et puis ils se retrouvent une à deux fois par semaine et ce sont des conversations comme ça en ligne. Il y a aussi la possibilité d’écrire, car ils ont un clavier virtuel donc ils ont tout l’arsenal. Le fait fondamental aujourd’hui aussi, c’est le fait qu’il y ait une école primaire. C’est un long travail, la langue ne va pas être recouvrée tout de suite, mais voyez, on peut prendre un exemple d’une langue européenne qui a retrouvé ses locuteurs, c’est le Luxembourgeois. En rendant l’enseignement obligatoire, les jeunes luxembourgeois aujourd’hui reparlent la langue. Ils sont en reconquête. Ça veut dire qu’un combat n’est jamais perdu, il faut que ça s’affiche clairement dans la politique d’un pays, mais aussi que son peuple adopte cette idée de revenir à sa culture.

Quand on voit comment les Osages se sont emparé de cette volonté-là, on a l’impression que c’est beaucoup plus complexe pour l’Occitan de revenir alors qu’on a déjà un alphabet et des racines communes. Ça devrait pourtant être plus facile. Comment ça se fait ?

Comme je disais, il faut une volonté politique. Je crois qu’il y a la honte de cette langue : ce qu’on appelle une glottophobie. Par exemple, on voit comment l’accent est éradiqué. L’accent, c’est le substrat. Allez dans les conservatoires, qu’est-ce qu’on apprend aux comédiens ? Désapprenez votre accent. Dans les écoles de journalisme, c’est pareil. On vous apprend à prendre un accent neutre. Mais c’est quoi l’accent neutre ? C’est l’accent de la bourgeoisie du 16ᵉ arrondissement. Ce n’est même pas l’accent parisien, si vous allez dans les banlieues du nord, dans le 93, dans les villes du Nord, vous trouverez une autre façon de parler le Français. Est-ce que pour autant ces gens ne sont pas Français ? C’est simplement ce que les médias renvoient. Écoutez juste des archives sonores des années 40 ou 50, vous serez surpris de la manière dont on prononçait le français dans ces années-là. Même les Présidents de la République… Ils avaient un accent extrêmement marqué. Donc, il y a bien eu une bascule.

Est-ce que c’est une volonté politique d’éradiquer ce patrimoine, ou juste un manque de volonté de le protéger ?

À quoi sert une langue nationale ? Ça, c’est une question à se poser. Nos parents, mes parents, mon père parlait l’Occitan, ma mère parlait l’Occitan, mes grands-parents aussi, et le Français. Mon père parlait l’Italien et il avait aussi des notions approfondies d’Espagnol. Son Occitan d’enfance l’avait aidé à acquérir une deuxième, troisième, une quatrième langue et les rudiments d’une cinquième… Aujourd’hui, dans un monde contemporain, la nécessité d’être multilingue est évidente, c’est une ouverture, pas une fermeture. Évidement, si ça doit être une fermeture culturelle, ça n’a aucun sens. La question, c’est de s’ouvrir à sa culture profonde et aussi à une culture élargie, dans l’idée d’un dialogue, c’est ça que je pense que le film exprime aussi. Qu’est-ce que les Occitans et les Osages ont à voir ? Ils ont une vielle histoire de solidarité, sur laquelle s’est greffée cette histoire de langue, car c’est une sorte de point de rencontre culturel. Ils sont sensibles à l’Occitan. D’ailleurs, les Osages connaissent des chansons occitanes, pas des chansons françaises, ils chantent le Se Canto, Immortelo, c’est drôle hein ? Je crois que c’est une marque d’attention de leur part. Ils ont compris que le substrat culturel était là. Pourquoi la langue occitane se perd ? Parce que nous perdons des locuteurs naturels. Sur l’ensemble des départements, on a 1,5 million de locuteurs quotidiens, ce n’est pas beaucoup. Le combat n’est pas perdu, il suffit que demain dans les écoles, dans les lycées, et les collèges, on remette cette langue, qui est une langue et une littérature de 1000 ans, c’est-à-dire bien antérieure à la littérature française. Une langue admirée dans toute l’Europe, parlée dans toute l’Europe, jusqu’à la cour des rois français, Louis XIII, Louis XIV. Pourquoi cette langue aujourd’hui est de moins en moins utilisée ? Parce qu’il y a une bataille forcenée menée par des gens qui pensaient que la République allait y perdre en laissant les patois. Alors est-ce que ce sont des obscurantismes ou est-ce que ce sont des ouvertures éclairées ? On revient à cette notion d’ouverture et de fermeture. Toute culture qui se ferme va à sa perte, c’est quand on regarde son nombril qu’on risque de se casser la figure en butant sur une marche. C’est très important de s’ouvrir. Mais c’est une décision qui m’échappe. Ce n’est pas un film de dénonciation du nationalisme français ou occitan. Moi, ce qui m’a paru intéressant, c’est de montrer qu’on peut dialoguer.

Comment ce pont entre ces deux cultures peut permettre de les renforcer ?

C’est une histoire tellement extraordinaire, qu’elle prend un aspect métaphorique.  Au cinéma, on métaphorise toujours des histoires. Les gens élargissent, transposent… Cette question métaphorique est très importante. Je crois que beaucoup du cinéma hollywoodien est basé sur la résolution par la violence. Par l’affrontement. Ne parlons même pas des séries qui ont érigé cela comme concept narratif de base. Dans ce film, on n’est pas dans l’affrontement, même si c’est un film de combats culturels. C’est très important à comprendre, c’est d’une certaine façon tout à fait contraire a beaucoup de films qu’on voit aujourd’hui où le bon américain vainc tous les méchants. On voit bien que c’est plus compliqué que ça, parce que l’Amérique exporte beaucoup sa violence. La violence qu’elle exerce aussi de manière intérieure contre ses propres citoyens. C’est un pays où la violence s’exerce déjà au niveau de la santé, de l’éducation, des inégalités. Il y a aussi l’export d’une violence militaire et d’une puissance militaire constante depuis plus d’un siècle. Avec les interventions en Amérique latine, des coups d’état soutenus par l’armée américaine. Je crois qu’à tout point de vue, la paix est une des premières choses que demandent les gens et ça peut passer tout simplement par la capacité à dialoguer avec l’autre. La preuve avec ce qu’on voit en Palestine, au Moyen-Orient : l’échec total organisé délibérément des deux cotés du dialogue. Il aurait pu pointer son nez il y a 25 ans, mais Yitzka Rabin a été assassiné, Yasser Arafat avait un peu obliqué sa route, s’était engagé. On aurait pu trouver des solutions à deux états. Aujourd’hui les victimes civiles sont des deux cotés. Alors évidement le Hamas est un mouvement terroriste, mais le gouvernement Netanyahou, en bombardant comme il fait Gaza et en tuant des enfants par centaine tous les jours, n’a pas non plus une démarche humaniste… Je crois que c’est le jour où Palestiniens et Israéliens se tendront la main qu’on commencera à envisager une solution de paix.


Vous pensez que c’est possible de construire des ponts entre ces deux peuples ?

Il y en a déjà ! Il y a des ponts déjà organisés, il y a des réunions en Israël, pour que Palestiniens et Israéliens se retrouvent pour faire la paix ensemble. Il y a ce mouvement qui s’appelle « La paix maintenant ».

Vous êtes optimiste ?

Oui, je crois, et vous-même, vous êtes du Tarn, Il y a eu un homme de paix… Qu’est-ce qu’on a fait ? Comme Rabin, Jean Jaurès, le 31 juillet 1914, on l’a assassiné. Les hommes de paix sont visés par les armes en premier. On a toujours dit que c’était la première victime de la guerre de 14. Ça doit nous faire méditer nous en tant qu’Occitans.

Pour revenir au film…

J’ai dérivé oui (rire)

Ça correspond à l’angle de votre film, donc ce n’est même pas une dérive.

J’espère que les gens en sortiront avec cette idée que l’autre n’est pas un ennemi. Qu’est-ce qu’il y a de plus étranger qu’un Indien Osage et un Occitan ? Ce qui m’a semblé très important, c’est que l’Osage vienne chez nous et nous regarde.

D’ailleurs qu’a ressenti Chelsea (protagoniste Osage du film, poétesse) après avoir traversé l’Occitanie ?

Dans le film, elle donne sa réflexion profonde mais il y a une deuxième chose, c’est l’échange, c’est son regard sur nous parce que… À quoi avons-nous été habitués depuis 1920 et l’apparition de Tristes Tropiques de Lévi-Strauss ? Un live d’anthropologie et d’ethnologie sur les populations autochtones. Il en a trouvé des fondamentaux qu’il a reformulés dans ce qu’on appelle le structuralisme.  La première phrase, c’est : « Je hais les voyages ». C’est amusant.  Ce qu’il voulait dire peut-être, c’est qu’on transformait le monde, notre vision du monde, on bouleversait les équilibres naturels. La France est en train de devenir un pays multiforme, multiethnique, c’est sûr, même si on n’en est pas à ce que dénoncent certains ….  Et que fait, lui, Lévi-Strauss, grand penseur, un des plus grands de notre siècle ? Il visite les autochtones avec un point de vue savant sur ce qui est considéré comme pas savant. Cette vision est quelques fois battue en brèche, par exemple, John Joseph Mattews, écrivain Osage, qui n’avait pas la langue pour écrire, qui parlait Osage, Français, Anglais et Latin. Je suis sûr qu’à contrario de 99% des Américains de son époque, il était cent fois plus savant. Qui est le sauvage ? John Joseph Mathews ou les 99% des Américains qui n’avaient pas le quart du 8ᵉ de sa culture. Il a écrit des ouvrages essentiels de réflexion philosophique et politique. Qui est le sauvage là-dedans ? Ceux qui prennent les armes et qui tout d’un coup déclenchent avec furie une violence de masse. Cette violence de masse, qui n’est que l’expression de la violence exportée continuellement par les États-Unis. Puis qu’avec le deuxième amendement, ils ont accès aux armes. Qui tire la plupart du temps ? La situation mérite d’être débattue, en tout cas, mérite d’être pensée. C’est pour ça que cette association m’a toujours passionnée, je me suis dit : il faut Inverser les points de vue, établir des contacts, des échanges culturels. Ça ne veut pas dire qu’ils sont faciles, parce que par exemple au niveau musical, ça a été très difficile d’établir cet échange, mais au moins, on a essayé. Et en tout cas, les choses qu’on échange, qu’on peut trouver en commun, c’est une sorte de transe autour de la musique qui existe chez tous les peuples. C’est une dimension culturelle qui est non dite. Il n’y a pas que l’oral. Il y a le gestuel, le danser, la culture profonde.

Chelsea, écrivaine et poète Osage, protagoniste principale du film. Copyright : Ilka Vierkant


Quelles ont été les difficultés à faire ce film ?

L’argent déjà, je suis un cinéaste indépendant, c’est la définition que j’aime m’appliquer. Je n’aime pas quand on m’applique « cinéaste toulousain, occitan » non… je suis un cinéaste indépendant et j’entends bien le rester et bon, trouver de l’argent aujourd’hui c’est dur. On est face à, je dirai, la massification qu’amènent les multiplexes, mais aussi les cinés d’art et d’essais où la concentration sur quelques titres devient de plus en plus évidente. Ça devient très difficile de faire du cinéma indépendant et d’amener le public dans les salles, il faut faire un travail énorme. Il faut se préparer à ça quand on fait un film indépendant aujourd’hui. Après, faire le film, bien sûr, il y a des difficultés, mais bon, c’est de l’ordre du quotidien, ce n’est pas très important de le dire. Il y avait une chose malgré tout importante, c’est qu’en allant faire ce film, il fallait que je sois crédible. Ma crédibilité, c’était d’arriver au titre de la culture occitane. Parce que je crois que les peuples autochtones dans leur relation à l’autre attendent aussi notre engagement. C’est raconté à un moment donné dans le film, il y a cet écrivain occitan qui raconte s’être fait remballé par un Amérindien parce qu’il considère qu’il ne fait pas assez pour sa propre culture occitane. Donc voilà, je pense qu’ils attendent un engagement de notre part pour établir le dialogue.

C’est beau comme position de leur part. Donc ça vous a questionné ?

Je le savais avant mais bon, il fallait que je sois crédible en allant là-bas. La crédibilité, je l’avais quand même parce que j’y étais allé trois fois en vingt ans donc j’étais connu dans la nation. Même si les administrations changent, même si le chef avait changé, j’étais connu là-bas, j’étais revenu en 2014, j’avais vu le travail du chef Jim Gray, je voyais ce que Standing Bear (qui apparaît dans le film, militant pour la revitalisation de la langue osage) faisait avec la création des écoles, je voyais qu’il y avait du travail. Et puis très vite, j’ai rencontré le directeur de l’école, c’est comme ça que j’ai rencontré Chelsea et de suite les choses se sont organisées. Je crois même que Chelsea a très envie de revenir et de poursuivre un travail ici. C’est porteur de sens.

Il y a cette très belle scène où elle arrive à la place du Capitole habillée d’habits multicolores…

Oui, parce qu’avec cette scène, elle rentre dans notre histoire… On échange les histoires, les paysages, les chemins, qui ne sont pas pareils, d’un côté en voiture, de l’autre à pied. Nous, avons une civilisation écopastorale de mille ans derrière nous, donc on a écarté les pierres. Et eux, ce qui fait l’histoire de leur pays ce sont les pierres qui y sont restées. C’est curieux, hein ? Il y a plein de choses comme ça, à la fois semblables et totalement différentes.

Est-ce que la sortie de votre film en même temps que celle de Killers of the Flower Moon, le film de Scorcese sur le massacre des amérindiens Osages, était un hasard ?

Non, pas du tout. Quand je reviens là-bas en 2014, le journaliste David Grahn du New Yorker (auteur du livre dont s’inspire Scorsese pour son film Killers of the Flower Moon) est en train d’enquêter et dans le film que j’avais fait en 2002, j’évoquais déjà cette histoire des meurtres des années 20. Donc, quand le livre de David Grahn sort sous le titre de La Note américaine, et qu’il commence à bien marcher, et quand j’apprends que Scorsese s’empare de l’histoire, je me dis : « bon il y a quelque chose à faire ». Et j’avais écrit un scénario qui s’appelait « Le grand voyage de petit chef » ou j’avais imaginé que Chirac recevait des amérindiens à l’Élysée. Bon ça n’a pas intéressé la télé … (rire). Donc, j’apprends que Scorsese tourne et je me suis dit que j’allais y aller, et puis il y a eu le Covid. Je n’ai pu repartir là-bas que quand Scorsese avait quasiment fini de tourner, donc je n’ai pas pu filmer l’effervescence qu’il y avait là-bas. Évidement, j’en parle dans mon film. Le film de Scorsese est un film important, d’abord, il y a la langue Osage dans le film, c’est très important. Il parle d’une douleur qui est toujours présente dans la société Osage. Ils ont tous perdu un proche, assassiné. Ce qui est intéressant, c’est que Scorsese a déjà filmé la naissance de la violence intérieure aux États-Unis dans Gangs of New York par exemple, mais il était complètement passé à côté de la plus grande scène de crime de ce pays : le massacre de 23 millions d’Amérindiens. Ça, il ne l’avait pas vu, il était passé à côté. Et tout d’un coup, comme en plus, il fait un retour à sa foi catholique, ce film devient une contrition. Mais c’est très sincère de sa part, il n’en a rien à faire a son âge maintenant, il n’a pas besoin, mais il a compris qu’il était passé à côté de ça. Parce que tout d’un coup, il fait son premier western, avec indiens et cowboys. Nous, les westerns qu’on est habitué à voir, c’est les cowboys qui vont vers l’Ouest, ils se font attaquer par les sauvages, et la cavalerie arrive et sauve tout. Les méchants avaient un chapeau noir, les gentils un chapeau blanc.

Il y a aussi cette histoire de pensionnats que vous abordez rapidement dans le film…

Oui, les boarding schools, je tenais absolument à montrer ça. J’ai trouvé cette photo d’un pensionnat d’Albuquerque, avec aucun enfant qui ne sourit dessus. Normalement sur une photo de classe tout le monde sourit, c’est un moment joyeux, là tous les visages sont éteints, tristes, les nattes sont coupées, en uniforme noir. Parce que c’est ça, on leur mettait un uniforme, on leur coupait les nattes, et on leur mettait de l’eau savonneuse dans la bouche s’ils osaient prononcer un mot en langue amérindienne. C’était pareil en Occitanie avec les enfants qui parlaient patois. Alors aujourd’hui, il y a une ministre amérindienne qui fait des travaux là-dessus ; C’est d’ailleurs la première ministre amérindienne de l’histoire ! Bon, on pourrait aussi regarder du côté français hein… Combien de gens issus des minorités, ou de l’immigration sont au gouvernement… Quand il y en a un qui se fait nommer, il reçoit tout de suite des insultes racistes…

Qu’est-ce que vous avez envie de faire après ce film ?

Déjà, il y a un premier projet signé avec Via Occitanie qui est Le voyage de Jean Jaurès en Amérique, qui est une pièce de théâtre que j’ai écrite il y a trois ans, qui a été joué il y a deux ans. Là, c’est une adaptation documentaire : ce sont les sources de l’histoire qui questionne pourquoi Jean Jaurès est allé en Amérique latine en 1911 et ce qu’il est allé y faire. Donc voilà, mon inspiration américaine n’est pas tarie. Et ensuite, je crois que j’ai très envie d’aller parler avec des poétesses. À côté de chez Chelsea, dans l’atelier à côté d’elle, il y a la grande poétesse amérindienne Joy Harjo, dont les mémoires ont été publiés il y a deux ans en France. Et il y a aussi ce prix qu’à reçu Louise Erdrich. J’ai beaucoup envie de parler avec ces poétesses et écrivaines amérindiennes et avec une autre femme, qui s’appelle Roxanne Dunbar-Ortiz, qui il y a 10 ans a sorti un livre qui s’appelle Une histoire Indigène des États-Unis, qui a été traduit en Français par Contre histoire des États-Unis. C’est une histoire incroyable qui raconte l’histoire violente des nations amérindiennes. Comment ces histoires de violence et de religion se confondent. Comment même les pères fondateurs de la république américaine sont porteurs, à travers la constitution, d’une violence endogène, qui se poursuit encore aujourd’hui avec ces groupes criminels, avec ces criminels, qui prennent des fusils et vont tirer. Mais ça, ça procède de ce deuxième amendement et de cette fondation américaine par la violence. Ce qui a été appelé la « destinée manifeste ». Mais ce qui est arrivé en Amérique, c’est la violence que nous, Européens, avons exportée là-bas. Qu’est-ce que c’est cette violence ? C’est la violence qui commence avec le partage de l’empire carolingien, de Charlemagne, et les croisades, qui vont s’ensuivre peu de temps après. Cette violence, c’est ça que nous exportons en Amérique avec la colonisation de l’Amérique, et comme en plus, on y trouve de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, des cultures… Culture que nous devons aux Indiens d’ailleurs : le maïs, le tabac, les pomme de terre, les tomates. Aujourd’hui, 60% de ce que nous mangeons vient de l’Amérique. Il faut réécrire cette histoire.