JOUR 1 : Let Porto shake

C’est avec un mélange d’excitation et d’apprehension que je me prépare à la déclinaison de Primavera Sound à Porto. Des les premiers instants, les doutes sont levés : les scènes sont proches l’une de l’autre, toutes en pente (hormis la principale) et surtout il y a du gazon. En plus, pas plus de deux concerts en même temps ce qui limite le casse-tête du choix.

Cote musique, c’est Ana Luana Caino qui démarre, seule sur scène.  Sa musique, mélange de chant traditionnel portugais, d’electro et de percussions, est construite à base de loop. Je comprends pourquoi les ‘tripeiros’ me l’avaient recommandé : elle nous met dans le bon mood pour ce festival. 

On enchaîne avec Blonde Redhead et une excellente nouvelle : on, le shoegaze n’est pas mort et retrouve même un public jeune. J’ai ressenti une connexion particulière entre les 3 membres du groupe qui se sont déchirés ce jour là. Les regards entre Kazu Makino et Amadeo Pace, leur attitude pendant les solos et leur sourire ne mentaient pas. Ce n’était pas un concert de plus dans leur tournée : c’était sans doute dû au public très réceptif à leur musique.

PJ Harvey

Au coucher de soleil, arrive sur la scène principale, la reine : PJ Harvey. Magnifiquement accompagnée par ses musiciens dont John Parish, on ressent tout de suite, une prestance, une classe. Le concert fait la part belle a son dernier album sans oublier des classiques comme « Let England Shake » ou « To bring you my Love », pour conclure. Son jeu sur scène a base de large mouvements avec un grande utilisation des mains est très théâtral. On a le sentiment que tout a été répété, un peu trop peut-être car sa performance bien que parfaite manque d’aspérités.

Même le ciel s’y met avec un orage lointain qui darde ses éclairs pour mieux sublimer la performance

C’est Mitski qui prend ensuite le relais avec une topographie scénique surprenante : seule sur une scène circulaire avec simplement 3 chaises et les musiciens repartis sur les côtés. Et c’est une véritable show dans le plus style du cabaret qui commence :  Mitski monte sur les chaises, joue avec type grand écart, s’allonge dessus, saute, se roule par terre. Même le ciel s’y met avec un orage lointain qui darde ses éclairs pour mieux sublimer la performance. Les musiciens sont au top communiquant et improvisant entre eux. Un concert qui aura été sans aucun doute une des meilleures performances jamais vues de ma vie.

Le show suivant de SZA, car on ne peut pas parler de concert, a été tout le contraire : une incroyable déception. Si la mise en scène est spectaculaire avec reconstitution d’un bateau et de très bons danseurs, c’est incroyablement pauvre musicalement. SZA utilise sans arrêt l’autotune, il y a énormément de bandes préenregistrées et le son n’est pas du tout équilibré. Persiste la désagréable impression que ce show grandiloquant et dégoulinant n’est là que pour cacher les failles musicales. On se refugiera sur l’écoute de son denier album en croisant les doigts de la voir un jour en acoustique et sans artifices pour enfin pouvoir écouter sa voix. 

La nuit se clôt en délicatesse avec l’excellent concert de American Football et leur musique aux rythmes complexes aux accords subtils. Pour une des rares fois, j’ai profité de la musique allongé dans l’herbe, délicatement emporté par leur musique. Tout au long, on ressent une douceur, une fragilité, une créativité. Bien que n’ayant vu qu’un seul de leur concert, j’ai la certitude que chacun de leur show est unique. Façon idéale de finir cette première journée très intense

JOUR 2 : Lana day

Au vu du nombre de personnes avec des bottes, des robes décolletés, de t-shirt, drapeaux, pancartes à son effigie, impossible de se tromper : c’est bien le jour de Lana Del Rey.

Lana Del Rey

Mais d’abord, cela commence mal avec une méchante averse et l’annulation de Justice pour une croix trop lourde à porter pour la structure de la scène. Heureusement, le soleil revient à temps pour Crumb et son rock psychédélique. Les nappes de synthé, les pleurs de guitare, le jeu subtil de la batterie et la voix éthérée de Jonathan Gilad s’entrelacent merveilleusement. Tout comme une grande partie du public, je me surprends à fermer les yeux, danser en ondulant des bras le visage caressé par les rayons soleil. Cette heure est passée en un éclair : j’en ai perdu la notion de temps absorbé par l’ambiance et la musique.

Plus tard, c’est The Last Dinner Party qui a la lourde tache d’occuper la grande scène avant l’arrivée de Lana. Challenge plus que réussi.  Encore plus que leur excellente musique rock aux accents baroque, c’est l’attitude scénique des cinq anglaises queer qui a séduit le public. Un mélange de punk, de glamour, une énorme complicité, le charisme énorme de la chanteuse Abigail, le soleil couchant en fond de scène : le cocktail magique pour un autre concert mémorable. On a même eu droit à une excellente reprise de « Wicked Game » et une chanson en Albanais, langue maternelle de la chanteuse. En bref, j’ai pris une autre claque scénique et musicale que je rêverais de revoir à Toulouse (Hervé si tu nous lis …) 

La sensation d’avoir vécu une expérience quasi religieuse

La foule monte graduellement en tension en attendant LE grand nom de ce festival : Lana del Rey. Le concert démarre à l’heure dévoilant une structure scénique faites d’escaliers, d’arches, de balcon et un grand nombre de danseuses. Pendant le premier quart d’heure, il est difficile d’entendre la voix de la diva : tout le public chante par-dessus d’elle. Chacune de ses chansons donne lieu à un véritable tableau magnifiquement chorégraphié. Les danseuses et les décors ne sont jamais clinquants et soulignent parfaitement la musique. Des réflecteurs solaires accompagnant avec humour « Summertime Sadness », « Pretty When you Cry », interprété allongé sur scène avec des images de vagues … Je ressors de ce concert avec la sensation d’avoir vécu une expérience quasi religieuse (au sens noble du terme) au vu de la dévotion du public et la communion du public qui connaît tout son répertoire par cœur. 

JOUR 3 : The last dance

Tout comme la veille, c’est une méchante averse qui nous accueille une fois les portes franchies. Un seul remède pour réchauffer les corps et les âmes : aller voir Gel et son punk hardcore.  Pas de quartier, c’est une demi-heure à fond accompagnée des traditionnels pogos et circle pits.

Nous voila trempés mais plein d’énergie pour découvrir Mannequin Pussy,qui ne m’a pas convaincu. Il y a bien l’attitude punk et le côte noise mais rien de sensationnel ou de vraiment original. 

Pulp

Le concert d’Ethel Cain étant annulé pour cause d’extinction de voix, autant assurer sa place pour le 546eme concert de Pulp. Leur leader Jarvis Cocker aimante le public et représente 90% de l’intérêt de ce groupe phare de la britpop. Il présente habilement les titres, bouge, chante, danse avec un incroyable dynamisme pour un sexagénaire. Les hits s’enchainent « Disco 2000 », « Pink Gloves », « This is Hardcore ». Le public très british amène une ambiance festive et joyeuse. La moindre bousculade involontaire se termine par un sourire ou une tape amicale sur l’épaule. Le public anglais est habitué aux festivals et cela se ressent.

Concert suivant, Les premier morceaux de The National laissent une sensation bizarre : la voix de Matt Berninger n’est pas en place. Tout s’arrange après une demi-heure et on a droit à une performance bien rock qui fait la part belle aux guitares, agrémentée de quelques moments d’improvisation. Matt Berninger fait le show, court de long en large sur la scène, va dans la foule à plusieurs reprises, se contorsionne. Mais se perd parfois lorsqu’il demande au public portugais de ne pas voter Trump.

Comme si le public jetait ses dernières forces dans l’ultime bataille

Mon dernier concert sera Mandy, Indiana, groupe de noise anglais avec une chanteuse française Valentine Caulfield. L’ambiance est très rapidement électrique, comme si le public jetait ses dernières forces dans l’ultime bataille. Valentine revient à plusieurs reprise dans la foule surexcitée, transpire à grosses gouttes, hurle. C’est tellement bouillant qu’on se croirait dans une petite salle au plafond bas peuplée de purs et durs. Ce concert (et donc le festival) finit trop tôt et me voici la tête pleines de souvenirs et d’émotions fortes pour ce qui aura été mon meilleur festival jusqu’à présent. Tant au niveau de la programmation de très au niveau que de l’ambiance. Déjà partant pour revenir en 2025 !