SLIFT : Tonnerre sous les tropiques du Bikini
« Veni, vidi, survici« . Je suis venu, j’ai vu, j’ai survécu. Mais non sans mal. À l’écoute de leur dernière galette, ils nous avaient promis une bataille sonore, en vrai, ce mercredi 13 mars au Bikini, ça a été la guerre, une guerre intense en décibels, une guerre frontale, spatiale. Mémoires d’un survivant de l’ouragan Slift, c’est ici et maintenant M’sieurs Dames.
| Mathieu Laforgue l Photos: Jesse Overman (archives)
Mercredi 13 mars, arrivée au Bikini vers 20h, et vu les forces en présence au bar extérieur, on sait qu’on est à la bonne adresse. Bière à la main, je retrouve mon binôme de concert, Jesse Overman, en touriste et sans son Polaroïd, toujours en convalescence après s’être pris pour Birdman. Comme à chaque live à base de rock psyché métallo garage, on croise rapidement Antoine, notre historien du courant musical, qui remet immédiatement l’église au centre du village en rappelant que les forces en présence ont débuté quasi à la même époque, écumant les petites scènes de la Ville rose. Mais ce soir c’est grand soir, comme dirait l’autre, et c’est bel et bien au Bikini que Karkara lance les hostilités. Une première partie sacrément solide, qui balance le premier uppercut de la soirée dans un set chirurgical taillé façon King Gizzard sur Garonne devant un auditoire déjà bondé.
Dinngggg. Fin du premier round. Juste le temps de regagner ma place, c’est à dire contre la barrière à droite de l’ingé son, et de refaire le monde avec ce bon vieux et sympathique Thomas, ancien photomaton chez OPUS et les affaires reprennent. Le sourire complice et le “rwwooo bordel” qui va avec, une dizaine de minutes après le morceau d’ouverture, résume bien l’entame, Slift faisant d’emblée rugir son colossal “Ilion”. L’heure suivante sera du même acabit, à savoir un enchaînement de riffs brutaux et du matraquage de batterie, dans un ahurissant va et vient entre le petit dernier et le cultissime Ummon. Tout en humilité, et presque gêné dans chaque prise de paroles, le trio nous assène claque sur claque, façon désolé les gars, vous êtes pas prêts. C’est pas faute d’avoir prévenu.
Perché sur ma barrière, je vois les cadavres de la fosse revenir vers le bar façon Walking dead, la jauge des décibels est en PLS, et la vidéo projetée à l’arrière nous satellise dans une sorte d’aventure intérieure version Rorschach. KO debout, désemparé, déboussolé, plus grand monde ne sait où il habite, en gros on est en train de prendre une tartine côté confiture pleine face sans passer par la case chocolat au lait. “Hyperion”, “Lions”, “Altitude Lake” ou encore “Weavers’ Weft”, c’est un massacre à la tronçonneuse musicale que nous offrent les Toulousains, qui ont grandi en Ariège, ne l’oubliez pas les Citadins.
Fin du show, rapide bise au mandoliniste de Krav Boca et au gratteux de Mr Mad Moose, tous deux représentants notoires de la scène indépendante toulousaine qui étaient venus prendre leur tarte, et visiblement pas déçus du voyage. Deux palmiers plus loin, je retrouve Jesse, désintégré mais en vie, qui nous remémore dans un anglais à cette heure-là approximative, le côté hallucinant de voir Slift en tête d’affiche au Bikini, le groupe avait ouvert ici même pour Ty Segall en 2017, et jouait encore il y a peu sur le trottoir du Ravelin pour la fête de la musique, photos à l’appui.
Quelle claque, enfin non, quelle double claque, il serait en effet parjure d’enlever à Karkara sa pierre portée à l’édifice de cette monumentale soirée qui en appelle forcément une autre : Rendez-vous pour Amyl en juin, mes oreilles ne siffleront peut-être plus d’ici-là !