40 ANS DU BIKINI : « Rien n’est acquis »
Et voilà, 40 ans pour le Bikini ! Cette institution toulousaine qui a accompagné des générations… et qui n’est pas prête de tirer sa révérence ! Outre une série de concerts, qui se poursuit tout au long de l’été, avec des artistes qui ont marqué l’histoire de la salle, celle-ci profite de cet anniversaire pour se refaire une beauté avec un nouveau logo, une nouvelle charte graphique et une nouvelle signalétique. Et son fondateur Hervé Sansonetto sort une série de trois livres retraçant l’histoire de cet emblème toulousain. Il nous a accordé un entretien, sans nostalgie !
| Propos recueillis par Chloé Morand Bridet
Vous vous lancez sur 3 tomes sur l’histoire du Bikini, quelle a été la démarche ?
J’en avais marre d’entendre des gens parler de ce qu’ils ne connaissaient pas. De faire le bilan sur les années 80, la musique rock, underground. J’entendais beaucoup de bêtises sur le Bikini. J’en avais marre qu’on me demande toujours pourquoi je l’avais appelé le Bikini, quel était le pire, le meilleur souvenir… Donc au bout d’un moment j’ai dit, écoutez, le plus capable d’essayer de parler du Bikini, c’est moi. Je me suis lancé pendant le covid dans cette belle aventure de raconter des anecdotes des deux premières décennies. J’aimerais continuer si ça plait, mais ne faisons pas trop le malin, je ne me prends pas pour Albert Camus. Et j’ai une chance inouïe, d’avoir deux copains et pas des moindres qui vont m’illustrer ce petit livre : Margerin et Vuillemin. Après on ne peut pas tout raconter, c’est très délicat, c’est un exercice pas facile que j’ai pris vraiment à cœur.
Il y a eu de la nostalgie pendant l’écriture de ce premier tome?
Non c’est fini tout ça, j’ai complètement oublié. J’ai tellement eu à faire des retours sur le Bikini avec les 30 ans, la réouverture, les dossiers pour AZF… Avec ce livre, j’aimerais clôturer le passé et ne voir que l’avenir. Par exemple j’étais en train de faire un dossier sur les photos d’archives du Bikini, on le poste, on écrit le livre et après basta ! Fini le passé, vive l’avenir.
Après 40 ans, le rapport du public à la musique est-il toujours le même ? Surtout avec l’explosion du streaming.
À l’époque les gens venaient voir un artiste parce qu’ils le suivaient dans sa carrière, même s’il sortait un disque moyen on venait lui donner une autre chance. Maintenant c’est davantage de la consommation d’artistes. Il est adulé, porté au pinacle, et puis le coup d’après, il est au Zénith puis dans une petite salle, et on se désintéresse complètement de lui. Par rapport au streaming, on ne se rend pas trop compte parce qu’on est une salle un peu batarde, ni petite ni grande. Certains artistes viennent peut-être parce qu’ils ont peur des grandes salles, ça nous permet d’avoir toujours une bonne jauge. Moi je ne vois pas de baisse de fréquentation c’est clair.
C’est quoi la recette pour être une bonne salle de concert ?
Il y a une passion, une soif de faire des concerts, de voir des artistes, mais surtout pas de calculs. Il faut arriver à mettre l’artiste face à son public dans de bonnes conditions, bien le recevoir, bien recevoir le public. Et toute l’équipe donne tout pour que ça se passe bien.
Le Bikini est connu pour son accueil et son resto, c’est quoi la boite secrète de ce resto ?
Ah bah c’est une bonne entrecôte, du confit de canard, même si il y a de plus en plus de végétariens, de vegans et c’est normal parce que c’est notre société qui évolue comme ça. Mais pour se démarquer des autres salles, il faut essayer de leur faire manger des spécialités locales, qu’ils n’aient pas l’impression d’être dans la même ville tous les soirs, quand ils vont de salle en salle.
Il paraît que vous émettiez des réserves sur Louise Attaque au départ, et finalement le groupe est devenu un habitué de la salle.
Attention, ne va pas me fâcher avec Gaëtan (Roussel, ndlr) ! C’est vraiment devenu un ami sincère en dehors de ça. Quand ils viennent au Bikini, c’est autant le plaisir de voir un ami que de voir un concert. Presque des fois j’ai hâte que ça se termine pour qu’on se retrouve à partager moultes rasades alcoolisées et faire la fête. Au départ, je ne voulais pas les faire car c’est de la variété, sans avoir écouté ! J’étais le seul en France, il ne comprenait pas, alors Gaëtan m’a appelé et il m’a dit « écoute Hervé je comprends pas, tu es le seul à pas nous faire passer, ça marche, pourquoi tu veux pas ? En plus j’ai de la famille à Albi, ce serait l’occasion ». J’ai été désemparé devant son charme, alors j’ai dit banco et j’ai découvert un artiste hors norme. Autant artistiquement qu’humainement, même son équipe.
Il y a des artistes que vous rêveriez d’avoir au Bikini ?
Il y en a un mais il est mort. Sans prétention bien sûr, mais c’était David Bowie. C’était un homme qui venait sur scène sans n’avoir rien à prouver.
Quand on est directeur, est-ce qu’on aime forcément tout ce qui passe ?
Absolument pas. Et c’est horrible quand je suis obligé de venir et que c’est un groupe qui joue de la merde. On ne programme pas selon ses goûts uniquement sinon il n’y aurait pas beaucoup de groupes qui tourneraient. C’est aussi en fonction du public. Mais même si on aime pas, je reconnais le prestation, le talent d’un artiste.
Est-il important pour le Bikini de garder une patte intimiste ? Vous fermeriez la porte à des grosses machines ?
Tu rigoles ou quoi, si demain les Rolling stones ils veulent jouer au Bikini je leur ouvre grand les portes ! On a eu la chance d’avoir les Pixies qui se reformaient, Indochine et Manu Chao. C’est la locomotive qui amène tout le reste. Ils nous permettent des coups de projecteurs sur le Bikini pour ceux qui ne connaissent pas encore.