[ÉTAT DES LIEUX]
Quartier Saint-Michel :
la fête est loin d’être finie !
Un pont, une ancienne prison, un fête foraine déménagée… mais surtout une grande rue qui concentre tout ce qui fait la vitalité de Toulouse. Bienvenue à Saint-Michel, un quartier plein d’histoire.
| Nicolas Mathé
Un quartier qui se résume quasi exclusivement à la grande rue qui lui doit son nom, c’est un cas assez unique à Toulouse. Or, malgré cette spécificité géographique, il n’est pas rare d’entendre parler de Saint-Michel comme d’un condensé de Toulouse. Et en effet, en parcourant les quelques 800 mètres de cette artère stratégique, irriguant la ville depuis le sud, on passe sans transition des élégantes briques rouges aux immeubles plus récents à la cohérence architecturale plus discutable. D’un côté, des petites rues résidentielles menant au Jardin des Plantes, de l’autre, les grandes barres d’Empalot.
Des mondes qui se retrouvent donc sur cette grande rue bouillonnante de vie, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. À l’heure où de nombreuses agences immobilières présentent aujourd’hui Saint-Michel comme le quartier tendance de Toulouse, il faut imaginer qu’il fut longtemps ce faubourg hors de la ville, à l’entrée marquée par la porte Narbonnaise, et qui s’étalait au sud du château des comtes de Toulouse. D’où sa réputation historiquement populaire, voire par- fois marginale, il y a de cela quelques années encore. Vision alimentée par la construction de la prison au XIXe siècle, devenue aujourd’hui l’emblème et l’ancre du quartier avec son allure de château médiéval et son imposante forme pentagonale.
L’IMPACT DU CRATÈRE
Si l’ancien établissement carcéral, ainsi que le Palais de justice, situé juste au bout de la grande rue, ont forcément imprégné l’identité du quartier, on sait moins que Saint-Michel a aussi été le berceau de la culture alternative toulousaine.
À quelques pas de la prison, sur le trottoir d’en face, le vénérable Cratère, connu pour être un des plus vieux cinémas de Toulouse, est surtout un pan d’histoire à lui tout seul. Avant d’être un des 80 ciné clubs que comptait la ville dans les années 70, le lieu fut en effet l’épicentre de l’underground culturel local. Un espace d’avant-garde artistique créé en 1964 par le peintre et sculpteur Michel Battle qui décida de squatter ce qui était alors une annexe de la bibliothèque municipale peu utilisée, pour y accueillir tous les activistes culturels et politiques de l’époque ainsi que, plus tard, les activités cinéma de la Cave Poésie. Suite au déclin des ciné-clubs, le Cratère s’est transformé en 1994 en salle d’art et d’essai. Il est aujourd’hui la tête de proue d’un réseau d’une trentaine de petites salles, essentiellement rurales, disséminées partout en Haute- Garonne et gérées par Cinéfol 31. Une association émanant de la Ligue de l’Enseignement qui défend les principes de l’éducation populaire et s’applique à faire perdurer la mémoire et l’esprit initial du Cratère.
Les nombreux étudiants qui animent le secteur le soir venu ne s’en doutent peut-être pas tant le phénomène s’est répandu partout à Toulouse ces dernières années, mais Saint-Michel bénéficie d’une autre singularité. Il est certainement le quartier historique des pubs à Toulouse. Pour s’en convaincre, il faut remonter la grande rue jusqu’à la frontière marquée par l’avenue Crampel et pousser les portes du Dubliner’s. C’est en 1990, que Simon Oliver, Irlandais vivant à Toulouse, en manque de son pays natal et de sa culture, a ouvert le premier pub irlandais de la ville. Dans un ancien restaurant, il crée un établissement pittoresque, tout de guinguois, bien loin du lustre des pubs anglais, qui va devenir une véritable institution. Malgré les différents propriétaires qui se sont succédés, l’effet continue d’agir et, depuis 2019, le lieu connaît même une seconde jeunesse avec une nouvelle dynamique placée sous le signe de la musique live dans la grande tradition festive des pubs irlandais (musique celtique, bien sûr mais aussi folk, bluegrass, rock…).
Avant cette date, Saint-Michel était d’ailleurs officiellement the spot de la Ville rose pour célébrer la fameuse fête de la Saint-Patrick puisqu’une autre institution irlandaise se trouvait là, sur la grande rue : le Mulligan’s. En lieu et place de l’enseigne, on s’attable désormais au Tower of London. Un autre pub… mais anglais cette fois, monté par la société Charles Welles, déjà propriétaire à Toulouse du Georges and Dragon, du London Town et de du Danu. Et pour finir de contenter les amateurs de houblons, de fléchettes et de retransmissions sportives, on peut également évoquer le Black Lion, sur les allées Paul Fauga.
Ainsi, même si la célèbre fête foraine de Toulouse a quitté le quartier depuis plusieurs années, la nouba est loin d’être terminée à Saint-Michel. Si l’on cite bien évidemment Saint-Pierre, mais aussi Saint-Cyprien, parmi les lieux de sorties les plus agités, Saint-Michel ne donne pas sa part au chien, comme on dit. Avec des lieux comme l’Ôbohem, l’Evasion ou le Café Adjacent, un peu plus loin sur les allées Jules Guesdes, le quartier abrite des établissements qui le font véritablement vivre avec des programmations artistiques et culturelles tout au long de l’année. En attendant de connaître le sort réservé à l’ancienne prison Saint-Michel, qui reste un géant endormi malgré l’ouverture du Castelet, le quartier s’apprête à connaître des changements majeurs, avec dans un premier temps la mise en sens unique de la circulation. Puis, dans les années à venir, la transformation complète de l’espace public. Une volonté de la ville « d’apaiser » le quartier, tandis que d’aucuns craignent déjà de voir disparaître la richesse et la diversité qui l’habitent.
PIERRE SOULAGES (1919-2022)
Il était une figure majeure de l’abstraction. Il a bercé l’Histoire de l’art. Pierre Soulages est reconnu comme un des plus grands peintres de la scène française pour son œuvre qui célèbre le noir dans toutes ses nuances. Parmi ses œuvres clés, on retrouve Peinture ou encore Brou de noix sur papier. Il est également l’inventeur de l »outrenoir ». Il joue avec le noir dans les jeux de lumière, les reflets… En 2014, il ouvre le musée Soulages, à Rodez, dans sa ville natale. Il a lui même posé la première pierre de sa construction, en 2010. Bon voyage, grand monsieur.