LA RENAISSANCE : La doyenne des librairies toulousaines fête ses 80 balais
[LITTÉRATURE] Libraire de la Renaissance | 1 Allée Marc Saint-Saëns | librairie-renaissance.fr
80 ans ? Elle ne les fait pas. La librairie de la Renaissance est la plus vieille à Toulouse, mais ça ne l’empêche pas de courir partout. Que ce soit avec la Fête de l’Humanité, le festival Toulouse Polar du Sud ou encore les dizaines de rencontres littéraires qu’elle organise chaque année. Pour cet âge-là, on ne peut pas dire que notre doyenne mène une vie de retraité. Retour sur une histoire vieille de 80 ans.
| Enzo Chatel
80 ans, ça se fête. En ce début d’année 2024, Clutch s’est rendu à Basso-Cambo pour pousser les portes de la Librairie de la Renaissance. Alors quoi de mieux pour parler de son histoire que de s’adresser à sa directrice. Roselyne Gutierrez travaille ici depuis près de 43 ans. Elle est arrivée en 1981, année durant laquelle la librairie a migré à Basso-Cambo. Parce que oui, elle n’a pas toujours été ici.
Reprenons l’histoire depuis le début. Tout commence en 1944, quelques semaines après la libération de Toulouse. Un groupe d’amis résistants animé autour de Pierre Gamarra a pour volonté de remettre en circulation les livres et écrits interdits lors de l’occupation. Le jeune instituteur de 25 ans, figure locale des Francs-tireurs et partisans français, pensait comme tout le monde à cette époque qu’il fallait reconstruire le pays. Mais pas seulement au niveau économique ou industriel, Il fallait aussi faire revivre la culture. Au début, ils exposent des livres sur des tables pour qu’ils soient accessibles gratuitement à tous : la librairie de la Renaissance est née. Mais pourquoi Renaissance d’ailleurs ? « Le nom vient justement de cette époque où la culture renaissait peu à peu après la guerre en passant par des petites actions comme celle-là » dévoile Roselyne.
Rapidement, la librairie s’agrandit et s’installe dans la rue Pargaminières entre Capitole et Saint-Pierre. « Pour l’anecdote le nom de cette rue vient de l’occitan pergamin qui veut dire parchemin. Cette rue a toujours été habitée par des métiers du papier. On l’appelait aussi la rue des libraires, quand ils s’y sont installés il y avait presqu’une dizaine de librairie indépendantes là-bas. » Toujours dans sa philosophie de permettre l’accès à la culture au plus grand nombre et avec l’arrivée de la Fnac et de Cultura, la librairie décidera finalement de s’éloigner de l’hypercentre.
On revient donc en 1981 où elle s’installe dans le quartier populaire du Mirail qu’elle n’a plus jamais quitté. « À l’époque c’était la campagne ici, le métro était encore loin d’être un projet » décrit Roselyne. « On a fait le choix de s’implanter dans ce quartier car on voulait s’adresser à ce public-là. On veut lutter contre les idées reçues. Ici au Mirail, il y a près de 40 000 personnes qui vivent, on a des entreprises, des centres culturels, des écoles, des médiathèques… » La librairie se retrouve loin du centre-ville, mais pour Roselyne, ce n’est pas un problème. « Maintenant, les gens nous connaissent. Ils viennent ici chercher nos choix de livres et nos conseils de lecture. On n’a pas de vitrine. Si les gens entrent, c’est qu’ils nous connaissent ou ont entendu parler de nous par du bouche à oreille. »
Sur tous les fronts
En plus de 40 ans de carrière, Roselyne a des centaines d’anecdotes à raconter sur la librairie. Elle se souvient : « à l’époque d’AZF, on organisait souvent des rencontres avec une école. Après l’explosion, ils ont dû changer de lieu à cause des dégâts. Pour changer les idées des enfants qui avaient été traumatisés par l’explosion, on a organisé un spectacle et un goûter en faisant venir un comédien. Le but était que leur retour à l’école soit plus doux. Ils cherchaient un nom pour l’école et à l’époque j’avais un livre d’Elsa Triolet en boutique donc je leur ai conseillé. Depuis on continue régulièrement à faire des rencontres avec cette école. »
Dans ses locaux, la librairie possède aussi un forum avec plus de 160 places assises qui lui permet d’organiser des rencontres. Depuis près de 40 ans, il y a donc au moins 3 rencontres par mois que ce soit avec des auteurs, des illustrateurs ou encore des bédéistes. « Notre but est d’essayer de faire émerger des auteurs pas forcément connu. Ça permet aussi au public de découvrir l’autre côté du livre qu’ils ont lu. » Les libraires de la Renaissance n’arrêtent pas de bouger. Que ce soit pour organiser des rencontres dans des médiathèques ou pour participer à des festivals littéraires. Depuis 15 ans, elle organise le festival Toulouse Polar du Sud. Elle est aussi la première librairie a être devenu un lieu du Marathon des Mots. Elle participe à la Fête de l’Humanité chaque année. Depuis 22 ans, elle est aussi partenaire du Festival du Livre Jeunesse Occitanie à Saint-Orens. Roselyne, elle, ne compte pas ses heures : « je fais ce métier par passion, mon but c’est de faire de la librairie un lieu d’échange, de partage. »
Pour fêter ses 80 ans, la librairie a décidé d’organiser de nombreux événements tout au long de l’année. Ça a commencé le week-end du 13 et 14 janvier par une rencontre avec Gérard Mordillat et Magyd Cherfi. Prochain rendez-vous le 27 et 28 janvier avec la 22ème édition du Festival du Livre Jeunesse Occitanie à Saint-Orens. Puis les 5 et 6 février aux cinémas Utopia Borderouge et Tournefeuille avec toute une présentation autour de l’hôpital Varsovie, créé par des résistants espagnols. Le reste du programme n’a pas encore été communiqué. Une chose est sûre, même à 80 ans, la librairie de la Renaissance n’est pas prête de partir à la retraite.