Pierre-Emmanuel Barré
au Zénith de Toulouse :
le rire grave
Pierre-Emmanuel Barré qui remplit des Zéniths ! Enfin une bonne nouvelle pour ceux qui se disent Pfff…tous les jours devant l’évolution du monde. Rencontre avec un humoriste qui veut juste faire marrer les gens avec des sujets graves. Version longue de notre entretien paru sur le magazine Clutch #104 (janvier 2023).
| Propos recueillis par Nicolas Mathé – Photo Eric Canto
[HUMOUR] Zénith | Mer. 18 jan. | 20h30 | 32 à 65 € | bleucitron.net
C’est ta première tournée des Zénith mais aussi la fin de ce spectacle Pfff…, comment ça se prépare ?
Y a un peu de pression, j’ai repéré le Zénith de Toulouse, c’est quand même impressionnant. Les places sont forcément un peu plus chères donc j’ai envie de faire un spectacle exceptionnel avec pleins de nouveautés et des invités. Il y a aura Aymeric Lompret, Guillaume Meurice, GiedRé et Benjamin Tranié qui interviendront pour des intersketchs et des sketchs écrits spécialement pour l’occasion.
Et oui, ce sont les trois dernières dates donc il y aussi un petit pincement. D’autant que celui-là, j’en suis particulièrement content, je n’en ai pas du tout marre de le jouer alors que je finissais par me lasser des précédents. Mais bon, c’est quand même trois ans de ma vie, il faut passer à autre chose.
Depuis les premières dates, début 2020, le spectacle a t-il beaucoup changé ? Tu es du genre à retoucher ton texte en permanence ?
Il y a toujours quelques retouches par ici et là. Avec mon co-auteur Arsen, on a retravaillé quelques trucs qui commençaient à vieillir. Mais par rapport à mes précédents spectacles, on est moins sur l’actualité brûlante, il n’y a pas de choses très fraîches comme c’était le cas par exemple avec la semaine Barré. L’exercice était chouette à faire mais j’en avais un peu marre de la politique politicienne.
Dans Pfff…, je parle plus de politique sociale, de choses intemporelles. De toute façon, rire de sujets graves est la seule chose qui m’intéresse, l’humour d’observation, les gens qui restent à gauche dans les esclators et ce genre de choses, ça ne me fait pas marrer.
Avec ce format de conférence, tu reviens à quelque chose de plus théâtral. Toi qui as fait le Cours Florent, tu voulais être comédien avant d’être humoriste ?
J’aimais déjà beaucoup faire rire à l’époque mais, en réalité, j’ai été obligé de faire du one-man-show tout simplement parce que je n’avais pas de boulot. En gros je me suis auto-casté et l’humour est venu naturellement, sans même que j’y réfléchisse. Mais c’est vrai qu’avec ce spectacle beaucoup plus mis en scène que les précédents et ce personnage de conférencier qui vient déverser sa science, je reviens à un côté théâtral qui me manquait un peu, c’est très agréable.
Tu délaisses le stand-up au moment où la discipline est en train d’exploser, c’est une façon d’aller à contre-courant ?
Non, pas forcément, c’est surtout que j’ai envie de faire des trucs différents à chaque fois, je ne veux pas que les gens s’attendent à quelque chose. Après, je dois reconnaître que le stand-up tout le temps, ça me fais chier. Je ne connais pas beaucoup ce qui se fait aujourd’hui même si je vais en voir de temps en temps mais j’ai du mal avec le stand-up nombriliste, les gens qui ne parlent que d’eux ou qui improvisent avec le public. Savoir ce que font les gens dans la salle ou s’ils vont bien, j’en ai franchement rien à foutre. J’adore l’improvisation, j’en ai même fait, mais si je veux en voir, je vais à un spectacle d’impro.
A propos de ton côté cynique et de ton humour noir, est-ce que tu saurais identifier le moment ou tu as pris conscience qu’il n’y avait pas grand chose espérer de ce monde ?
Non, mais en fait ce n’est pas un choix ou comme si j’avais voulu prendre un créneau. C’est juste ce qui me fait rire comme j’aime aussi l’absurde ou d’autres formes d’humour. Moi je suis pessimiste sur le destin de l’humanité mais je ne suis pas certain qu’il faille sauver l’humanité. Il y a d’autres choses qui me rendent optimistes, je n’ai pas besoin de me raccrocher à quoi que ce soit. Ce qui compte avant tout, c’est le texte, le texte et le texte, tout par de là. Il faut que ce soit marrant, c’est tout. Choquer pour choquer, cela n’a absolument aucun intérêt.
Tout de même après un spectacle, tu veux juste que les gens aient ri ou tu espères avoir semé une petite graine de révolte ?
Le truc de révolte est déjà là naturellement, je ne me fais aucune illusion sur le fait que mes spectacles puissent changer les choses. Jamais un mec de Reconquête n’est venu me dire qu’il allait voter Poutou après être venu me voir jouer. Il y a un côté cathartique, mon public est globalement d’accord avec moi même si pendant le Journal du confinement qui a été beaucoup vu sur Youtube, comme je passais mon temps à chier sur Macron, j’ai quand même vu arriver quelques militants du FN et de Reconqûete – ça se repère facilement avec le drapeau et le pseudo « Gaulois quelque chose ». Mais je m’en suis vite débarrassé avec le Journal de campagne. Il a suffi de quelques blagues sur Le Pen et Zemmour, ils ont pas trop d’humour ces gens-là.
Comment tu vois l’exercice des vidéos sur Youtube ?
C’est déjà un formidable outil de promotion car il faut bien remplir les salles et que je ne suis pas beaucoup invité à la télé… Et puis ça évite la promo classique du genre « je serai tel jour à tel endroit, venez nombreux ». J’aime les trucs bien bossés qui donnent vraiment envie de venir te voir. Les chroniques à la radio ou à la télé, c’était hyper formateur au niveau de l’écriture. Les vidéos, elles, m’ont permis de développer plein de nouveaux aspects : la réalisation, le court-métrage, la fantaisie…
Faire trois minutes marrantes tous les jours, c’était beaucoup de boulot mais le côté « Manuel Valls enculé » sur un canapé, ça va cinq minutes. J’ai été catalogué comme le mec de France Inter, aujourd’hui je suis le mec du Journal du confinement, à chaque fois c’était très chouette mais moi je veux faire plein de choses différentes.
On imagine donc que tu as déjà des nouveaux projets en tête.
Pleins ! J’écris déjà pour d’autres humoristes comme Aymeric Lompret, je vais jouer dans les séries En place de JP Zadi et Rictus d’Arnaud Malherbe et j’aimerais écrire un film pour le cinéma mais il faut trouver un producteur assez con pour accepter. J’ai encore d’autres trucs en tête, il faudra certainement choisir parmi toutes ces idées car je veux surtout bien faire les choses, sinon ça marche pas.