[ÉTAT DES LIEUX]
Rodez sous
toutes ses couleurs
Chaque année en juin, Clutch prend le pouls culturel d’une ville de la région. En 2023, direction Rodez à la rencontre des acteurs qui font bouger la capitale aveyronnaise, dans l’ombre du musée Soulages.
| Nicolas Mathé
À Rodez, cité fondée au Vème siècle par les Rutènes, fière peuplade celtique, il semble qu’on aime les belles histoires. Si elle n’est pas réputée pour son foisonnement culturel, la ville accueille en revanche une poignée de lieux atypiques, solidement forgés grâce à l’énergie du territoire. Impossible de ne pas citer l’emblématique cas du musée Soulages (voir Zone Libre), qui attire tous les projecteurs depuis son ouverture en 2014. Mais il se trouve que la même année naissait un autre phare, certes moins imposant, de la vie culturelle locale : le Club, salle de concerts montée au forceps par une poignée de bénévoles devenue en moins de 10 ans une SMAC (Scène de musiques actuelles, label décerné par l’État), la dernière en date en France. Une aventure démarrée en vérité en 2010 avec la création de l’association Oc Live pour combler un véritable vide en matière de musique. « Il y avait quelques structures comme l’association 12 Touch ou le festival Skabazac mais qui étaient sur le point d’arrêter leurs activités. On est donc parti de rien avec un premier concert en se disant ça passe ou ça casse et la réponse du public a de suite confirmé qu’il y avait un besoin énorme. En quatre ans, on a fait 40 concerts un peu partout » raconte Fred Joao, fondateur d’Oc Live. Une itinérance joyeuse même si l’idée est bien de se poser un jour dans un lieu à Rodez même. « Notre orientation était claire dès le départ, il ne s’agissait pas de rayonner dans le département. La spécificité de l’Aveyron est que la culture y est très dynamique en milieu rural, il se passe tout le temps plein de choses très intéressantes, on ne voulait pas débouler et fragiliser toutes ces initiatives », précise-t-il. Le lieu est donc trouvé en 2014 : un ancien cinéma appelé Le Club qui est transformé en salle de concert après sept mois de travaux réalisés par 200 bénévoles, sans trésor de guerre. La première année est, là aussi, décisive. « À ce jour, c’est notre meilleure en terme d’affluence », sourit Fred Joao. Une fois les preuves faites, le soutien des collectivités arrive et la structure se développe peu à peu. Elle compte aujourd’hui huit salariés et se compose d’une salle de création, d’un auditorium, d’un studio d’enregistrement, d’un appartement pour les artistes en résidences et d’une salle de 300 places. « La jauge idéale pour un lieu convivial », assure le directeur du Club.
Pas de quoi attirer les grosses productions qui trouvent toutefois refuge à l’Amphithéâtre de Rodez. Et pour trouver l’équivalent du Club en matière de spectacle vivant au sens large, il faut se rendre à Onet-le-Château, qui fait partie de l’agglomération ruthénoise. Créée en 2012, La Baleine, avec sa capacité de 490 spectateurs, est devenue un lieu reconnu de diffusion artistique sur le territoire qui accueille des formes artistiques diverses (théâtre, danse, chanson, musiques classiques ou du monde, cirque, humour…) et programme des nouveaux talents comme des artistes confirmés. De plus, elle abrite dans son hall le Krill (du nom de la nourriture des baleines), un espace de rencontres qui permet d’assister à des spectacles de petites formes ainsi qu’à des expositions ou des conférences. Enfin, pour compléter le panorama théâtral, citons le Théâtre des 2 Points, labellisé Scène conventionnée d’intérêt national « Art, enfance, jeunesse », qui propose une saison culturelle dans la salle de spectacle de la MJC de Rodez et ailleurs dans l’agglo.
PUITS DE LUMIÈRE ET POINTS NOIRS
Parmi les autres belles histoires culturelles de Rodez, il faut aussi raconter celle de la Menuiserie. « Un lieu d’art hors du temps, différent des autres, qui a pour but de transmettre des émotions », confie Jeanne Ferrieu, celle qui a racheté cette ancienne menuiserie il y a 25 ans pour y proposer des expositions et des spectacles. Avec son ambiance boisée, sa belle lumière, sa salle d’exposition
et son jardin intérieur, la Menuiserie est en effet un havre de paix dans la ville. « Ce n’est pas une galerie mais un espace d’étonnement où je laisse libre cours à des artistes authentiques, souvent autodidactes qui s’inspirent du lieu pour créer, comme ce sera le cas cet été avec un artiste-charpentier originaire de Montpellier à qui je laisse les clés pour qu’il transforme le lieu », appuie la maîtresse des lieux. Avec ses 25 ans d’activité, la Menuiserie, qui se visite gratuitement, est bien installée à Rodez. Mais Jeanne Ferrieu ne ménage pas ses efforts pour continuer à faire grandir le public, notamment à travers des événements festifs qui accompagnent toujours les expositions tout au long de l’année. Celle-ci se réjouit d’ailleurs de la dynamique apportée à la ville par l’arrivée du musée Soulages : « C’est l’événement qui a totalement inversé le processus. Avant, ça sommeillait, depuis il y a une énergie qui circule. Il y a certes des lieux officiels qui ferment, la culture n’est pas soutenue politiquement, mais ce n’est pas grave, cela n’empêche pas les gens de faire des choses », assure-t-elle.
S’ils n’ont jamais compté sur la collectivité pour faire bouger la ville, de nombreux acteurs commencent tout de même à s’inquiéter des récentes décisions de l’actuelle municipalité en matière de culture. Et notamment de la suppression de l’Estivada, festival qui était dédié depuis 28 ans à la musique et à la culture occitane. En mars dernier, le maire de Rodez Christian Teyssèdre a en effet annoncé vouloir moderniser l’événement en jouant la carte du grand public. Exit donc l’Estivada, place à F’estivada, une série de trois concerts qui auront lieu en juillet au haras de Rodez avec à l’affiche Soprano, Claudio Capéo, Christophe Maé, mais aussi Sansévérino, Hyphen Hyphen ou encore l’enfant du pays, le rappeur Lombre. Malgré une pétition et alors que Claire Fita, vice-présidente de la région Occitanie en charge de la culture, a regretté que le maire de Rodez s’en prenne « à notre patrimoine et à notre culture », rien n’y a fait, le plus grand festival occitaniste de ces dernières années n’a plus sa place à Rodez. Une ville qui jongle décidément entre ombre et lumière.
LE FESTIVAL EXISTE VOIT LE JOUR
Officiellement, une première édition du festival a eu lieu il y a deux ans sous le nom de La Maraude. Mais c’était le temps du Covid. On peut donc dire que c’est un nouvel événement qui voit le jour dans un nouveau lieu, l’ancien camping de Layoule, à Rodez, en bord de rivière. Le festival existe est né de la volonté de la compagnie du Cirque des Petites Natures et de la salle Le Club d’associer cirque et musique. Durant une semaine (du 20 au 25 juin), 15 spectacles et 12 concerts seront proposés en extérieur et sous chapiteau dans un esprit guinguette.
« Auparavant, nous avions l’habitude de faire un grand concert de fin de saison en plein air dans Rodez. C’est la rencontre avec le Cirque des petites natures qui nous a donné envie de se lancer dans un festival joyeux, naturel et coloré. Cela nécessite beaucoup de travail, raison pour laquelle nous sommes partis sur une forme biennale, mais j’adore l’idée de créer un lieu convivial éphémère où les gens pourront venir se poser gratuitement, outre les spectacles et concerts gratuits »
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