FONDATION BEMBERG : « l’art est une visite du temps »
[MUSÉE] Fondation Bemberg |Hôtel d’Assézat, place d’Assézat | fondation-bemberg.fr
La Fondation Bemberg rouvre ses portes à l’Hôtel d’Assézat, après trois ans de fermeture pour travaux de rénovation et de réhabilitation. Clutch a eu la chance de pouvoir visiter le site en avant-première ! Une véritable plongée dans l’histoire de l’art.
| Texte et photos : Maide Puchulu
L’Hôtel d’Azéssat, érigé en 1555, suscite toujours autant l’émerveillement par son style architectural emblématique de la Renaissance. Revenu à la Ville de Toulouse en 1895 après plusieurs changements de propriétaires, l’édifice accueille depuis 1995 la Fondation Bemberg, du nom du collectionneur argentin Georges Bemberg, qui a choisi cet endroit magique pour partager avec le public son trésor artistique.
En fonctionnement depuis plus de 25 ans, le musée a subi d’importants travaux de rénovation ces trois dernières années. Ana Debenedetti, la nouvelle directrice de la Fondation, souligne la nécessité de cette mise à jour, évoquant une « durée de vie naturelle » pour un musée, qui doit être mis aux normes, notamment sur le plan du génie climatique. En parallèle, les rénovations ont touché la scénographie, améliorant l’expérience du visiteur, et ça se ressent. L’organisation de l’exposition a été entièrement restructurée tout en conservant l’art ancien au premier étage et l’art moderne au second, afin d’illustrer l’évolution chronologique des mouvements artistiques.
La famille idéale de Bemberg
À l’intérieur de l’hôtel, les travaux de décloisonnement ont repoussé les murs, agrandissant les espaces et restituant l’intégrité originelle de l’édifice. La palette de couleurs claires et neutres met les murs en toile de fond au profit des œuvres, donne l’impression que la lumière transcende les pièces. L’accent est mis sur le portrait, thème transversal à toutes les périodes. Il symbolise une « famille idéale » pour Georges Bemberg, soulignant son vécu solitaire : les portraits accompagnaient et animaient sa vie intellectuelle intérieure.
Le premier étage, consacré à la Renaissance, explore les mouvements artistiques européens. La section commence avec Venise au 16ème siècle, met en avant des œuvres de Véronèse, Le Tintoret et Titien. Elle se poursuit avec le caravagisme, le classicisme, présentant des portraits de Clouet, père et fils, Tournier et des sculptures italiennes de Florence. Le visiteur traverse la période des 17ème et 18ème siècles par les beaux-arts avec Nattier, Van Dyck et Boilly mais aussi par les arts décoratifs, notamment des meubles à secret remarquables. L’exploration se poursuit à travers l’Italie et la France du 16ème siècle avec des petits bronzes, des majoliques, des céramiques et des émaux de Limoges, mettant en avant l’intérêt de Bemberg pour ces techniques. La visite se déplace ensuite en Europe du Nord au 16ème et 17ème siècle, avec les œuvres de Cranach, grand peintre de la Renaissance allemande et toute une ribambelle d’orfèvreries. Le premier étage se termine au 18ème siècle à Venise, mettant en lumière les vues de Canaletto et les savoir-faire vénitiens.
Une palette de toutes les couleurs
Au second étage, la transition se fait de Venise à la France avec la période des impressionnistes au 19ème siècle. La couleur et la lumière sont prédominantes : natures mortes, scènes intérieures et portraits de Monet, Berthe Morisot, Caillebotte, Pissarro, Boudin ou encore Daumier. La visite englobe la période postimpressionniste avec, notamment, une collection unique en France de Sickert. Sans oublier des œuvres de Cross, Lebasque et Signac dont le pointillisme captive avec des couleurs splendides. Le XXe siècle, lui, est représenté par tous les peintres fauves : Braque, Vlaminck, Derain, Camoin, Matisse… avec comme fil rouge la lumière et la couleur. Le clou du spectacle se trouve dans la salle Bonnard. Plus de 30 œuvres de l’artiste y sont exposées : des scènes de cabarets, nuits intimes, voyages, séjours méditerranéens, natures mortes, et autoportraits, dans une palette postimpressionniste lumineuse. La section comprend également des bronzes arrondis et un cabinet d’art graphique contenant des pastels de Renoir et un portrait de l’oncle de Georges Bemberg par un certain… Picasso.
Dis moi ce que tu collectionnes…
Tout en rendant compte du développement de l’histoire des arts, cette nouvelle approche mise en scène par la Fondation Bemberg a été aussi conçue pour « refléter la personnalité profondément humaniste de Monsieur Bemberg à travers ses choix de collection », selon Ana Debenedetti. La sensibilité du collectionneur se manifeste ainsi à travers des coups de cœur, filtrant les grands mouvements pour dénicher des œuvres de grands artistes, parfois méconnues. La collection évolutive, dépourvue de volonté encyclopédique, révèle inconsciemment une authentique cohérence thématique et chronologique, offrant aux visiteurs une source d’inspiration exceptionnelle.